Le lendemain matin, direction Cha-de-Igrejia, petit village voisin dans une jolie vallée verte, avec une cimetière traditionnel. Je demande où peut on boire un café, et une femme m'emmène chez Roberto, ancien marin qui m'offre un café et des petites bananes délicieuses. Je visite un peu les environs, salue les travailleurs : les cultivateurs sont déjà aux champs, et me regardent un peu étonnés. Je retourne à Crusinhas par le fond d'une vallée et un gouffre impressionnant. Là, au milieu de nulle part, quelqu'un comble les trous de la piste.
À Crusinhas, je retrouve Dominguez qui avait travaillé la matinée sur un chantier et Honorato, un sympathique chef de famille qui parle bien français. L'après midi, je me ballade un peu autour du village et découvre une petite plage abritée. Il est possible de s'y baigner, tranquillement. J'en profite un bon moment, puis sur les rochers qui surplombent l'anse de sable, j'aperçois une forme, c'est un villageois qui vient se ballader et qui semble surpris de voir quelqu'un s'amuser dans l'océan. Il s'assoit et attend que je le rejoigne. On discute un peu, en portugais, puis nous regagnons ensemble le village. Joao marche pieds nus, comme mes pieds sont couverts de sable mouillé, je veux faire de même. Bien mal m'en a pris. C'est franchement douloureux, et je fais comme si je ne sentais rien. Joao me dit que c'est stupide de ne pas mettre ses chaussures quand on en a, et je le fais rire quand je dis que moi aussi, je suis un vrai Cap-Verdien.
Je n'ai pas de photos de ce superbe endroit, et pour cause, je n'arrivais pas à cadrer ces endroits gigantesques. Jee me disais tout le temps que jamais une photo ne pourra montrer à quel point ces endroits sont grandioses, et pour l'ambiance, je ne suis pas suffisament bon photographe. Le lendemain, je salue tous ceux que je peux, mais la plupart est déjà au travail, puis rejoins la route qui longe la côte. Un villageois m'explique le chemin. Si je comprends bien il me faut marcher sur une plage de cailloux un long moment, puis remonter dans le lit d'une rivière pour retrouver le chemin. Pas facile à trouver, mais j'espère rencontrer du monde en route. Après quelques dizaines de minutes de marche sur les pierres noires, je tombe nez-à-nez avec une mule, seule juste devant un rocher en pointe qui coupe la plage. Puis au bénéfice d'un reflux de l'océan, une femme surgit de derrière le rocher. Elle m'explique en crioulo - variante portugaise du créole - que sa deuxième mule refuse catégoriquement de franchir ce passage. Me voyant sceptique, elle m'explique avec force gestes que je dois emmener la mule à l'autre bout de la plage, puis l'attacher à un rocher. Je m'en vais donc avec ma mule au bras et la confiance de la dame, marcher un bon moment sur la plage.
Au bout d'un moment, je me demande tout de même ce que je dois faire avec cette fichue mule. Je l'ai appellée "Roberto", et me retourne en espérant que la petite forme qui gambade sur les rochers, loin maintenant, se retourne en me sifflant, ou criant que je devais la laisser ici. Heureusement, arrivé à l'embouchure de la rivière, je trouve un endroit avec un peu de paille. J'y attache Roberto et me retourne deux ou trois fois pour vérifier que celui-ci, ou celle-ci s'accommode bien de l'endroit, puis rencontre trois jeunes avec des mules à qui je raconte l'aventure. Ils paraissent satisfaits aussi de la démarche et continuent à l'opposé. Pour moi, c'est direction l'intérieur des terres, en remontant le cours d'une ribeira. L'endroit est assez grandiose, les sommets majestueux, et un voile vert couvre les replats. Dans une des falaises, des tas de grottes font penser aux histoires de pirates. En face un chemin monte par lacets serrés sur les flancs d'une des falaises. L'endroit est très impressionnant, en montant on prend du recul sur les reliefs à l'intérieur des terres et au fond, on aperçoit des baraques abandonnées, et donnent à l'endroit un petit air de Maccu Pichu.
La montée est difficile, quelques chèvres ponctuent le paysage dans des endroits impossibles, et sur le chemin, l'une d'elle me regarde avec insistance. Je passe sans difficultés devant la bête, avec méfiance quand même, souvenir de dépassements de Yacks assez stressants sur les chemins du Népal.
Le reste de la marche sera comme la veille un chemin qui serpente sur les hauteurs. La journée a été dure, et je sens que la fin va être vraiment difficile. J'aperçois deux routes sur le versant deux vallées plus loin, une grande et une plus petite qui se séparent. Angoisse : j'ai bien envie de prendre la grande mais si je me plante, je me retrouverai encore à marcher sans eau pendant des heures, et la nuit tombe. Et à ce moment là, je distingue par hasard des mouvements sur les pentes vertes du côté amont de la route. Des Hommes s'y déplacent sur les flancs abruptes semble-t-il avec des ânes. Ils sont loin, et je me mets à courir un peu dans la descente vers le fond de la vallée pour les rejoindre avec les pieds en compote, et la soif qui commence, je me hâte de franchir le lit de rivière du fond de la première vallée puis grimpe difficilement et à bout de souffle. Finalement les hommes s'étaient arrêtés pour attendre une dame et une jeune fille. Il s'agissait d'une famille entière avec le fils, la fille, le père et la mère assez âgés. Sur les ânes, des racines qui ressemblent étrangement à de la réglisse. Nous marchons un long moment ensembles, l'occasion de plaisanter avec le chef de famille, un petit bonhomme très sympa et souriant, qui blague un peu. Madame s'arrête de temps à autres pour cueillir des herbes en route, et vante les qualités de mon petit sac-à dos pour y attacher ses herbes et plantes sauvages. On a pris le petit chemin, coup de chance car de moi même, j'aurais pris l'autre...
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