Welcome to
Frédéric Schoenahl's Homepage

Back to home

Intro p.1 p.2 p.3 p.4 p.5

L'épreuve franchie, je remonte - en respirant prudemment - jusqu'à la route. Là je mange une banane, et suis rapidement rejoint par deux jeunes de mon âge, qui se dirigent à pied vers le village. Ensemble on observe la procession funéraire d'en haut. Le village de Paùl est tout petit, dominé par une vierge, comme à Rio-De-Janeiro mais en mille fois plus petit.
On se remet en route ensemble, discutons musique, sur le pays, les études, et marchons ensemble vers Janela. Ils me montrent un tunnel, historique taillé dans le roc par les portugais en 1914, et me montrent un rocher en forme de visage, la ballade se fait découverte à mesure que le soir s'installe.

Un aluguer nous rattrape, fenêtres grandes ouvertes et musique créole à 120 dB, il nous embarque pour raccourcir les quelques minutes qui nous séparent encoredu village de pêcheurs. Je reconnais le chauffeur que j'avais rencontré le matin même au port, grand sourire et quelques mots amicaux.

Punta de Janela, le port de pêcheurs célébré par Cesaria Evora, mythique et vivant, on y croise quelques pêcheurs les bras chargés de requins

Janela est entièrement tournée vers la pêche. Mes amis me présentent une femme pêcheur au sac rempli de poissons : ce qui provoque leur admiration, et puis je croise un pêcheur avec trois requins attachés à ses mains. Impressionnant. Nous nous arrêtons à une petite merceria avec une unique table, où j'offre un coca salvateur à mes guides. Le magasin est tenu par deux petites filles, qui remplacent sûrement leurs parents. Je leur achête encore deux bouteilles d'eau, cinq petits pains, et du pâté de porc, que m'a proposé la vendeuse pour accompagner le pain. J'ai en fait prévu de passer cette nuit dehors pour rejoindre Porto Novo par la côte. Il y a un phare plus loin sur la côte et je n'ai pas eu d'informations précises sur la qualité du chemin qui permet de retourner à Porto Novo. En fait je suspecte beaucoup d'informateurs de ne jamais avoir fait la liaison à pied. On m'a dit trois, quatre, jusqu'à neuf heures de marche et je n'ai jamais réussi à savoir si un chemin existait vraiment. Je m'attends donc à tout moment à devoir revenir sur mes pas. Tout seul sur ce chemin, je ne serai pas non plus secouru en cas de coup dur.

Je me lance en soirée sur le chemin d'un phare qui avait été construit par les portugais. Le phare est abandonné, je croise deux pêcheurs qui rentrent au port. En me retournant je remarque d'ailleurs une pointe de rocher en forme de tête de lion, la gueule ouverte. Vraiment, cet endroit à un air de crique de pirate. Je continue jusqu'au phare, voisin d'un baraquement et d'un système de panneaux solaires installé récemment et sans doute le fruit d'une aide occidentale. Je me ballade autour du phare, m'amuse en regardant des jeux bizarres sculptés dans les rochers par des pêcheurs, ou peut être par les portugais qui avaient été là il y a moins de vingt ans.

Phare de Janela, héritage portugais laissé à l'abandon

Le lieu ne me paraît pas propice pour passer la nuit, un peu lugubre et il y a du verre cassé de partout. Je reviens un peu sur le chemin et bifurque vers un deuxième chemin en contrebas. Tous les pêcheurs sont partis, il me faut suivre un sentier qui longe la côte, et tout au long, je recherche un rocher qui fera bonne couche tout en étant protégé des chutes de pierre.
Au bout d'une heure, je trouve une petite niche dans la roche sablonneuse qui fait l'affaire. Couverte au tiers et en forme d'oeuf creux, je peux y dormir. De toutes façons la nuit tombe ... plus le choix! Elle s'annonce d'ailleurs prématurée puisque la lumière décline définitivement autour de dix-neuf heures. Je ne connais pas les constellations d'hiver, mais je m'amuse à rechercher quelle constellation gardera ma nuit. D'ailleurs, il commence à faire frais, je sors deux vieux tee-shirt que j'enfile pour me réchauffer, et pose la tête sur mon sac à dos. La belle écharpe que j'ai ramené du Yémen fera parfaitement l'affaire... comme couverture.

Le lendemain, vers six heures, je reprends le sentier perché. Les sommets s'assèchent progressivement car on revient dans la partie aride de l'île. La lumière rasante du matin donne aux reliefs des couleurs chatoyantes et le petit sentier est magnifique. J'arrive bientôt sur le lit d'une rivière asséchée, un peu de végétation, mais le chemin n'est pas très bien tracé. Au lever du soleil, deux personnes me rejoignent, l'une avec une immense canne à pêche, la deuxième avec son sac attaché par une lanière qui lui passe sur le front et une grosse bouteille d'eau, qui porte le maillot de l'équipe de foot du Brésil. Surpris de voir quelqu'un ici, je suis bien content de les voir arriver des guides de fortune. Ils me ramènent sur le chemin, et je me dis que l'entreprise est tout de même risquée, c'est ce qu'il m'expliquent d'ailleurs. Au creux d'un vallon, ils sifflent un de leurs amis, et s'adossent pour l'attendre. Il m'indiquent la suite du chemin, que je prends rapidement pour ne pas perdre de temps. Je suis le chemin un bon moment jusqu'à tomber sur les champs de pierres volcaniques qui jonchent cette partie de l'île. Devant moi au loin, le Morro de Tubeiro, un sommet bombé et d'une grande pureté que j'avais repéré la veille depuis Porto Novo. Inquiétude tout de même, car le sommet, me paraissait très éloigné...

Au loin Morro de Tubeiro à l'aube, avec au large l'île de Sao Vicente

p.5 >>

email adress (you need graphics)