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Nous atteignons tous ensemble Figueiras, superbe village qui s'étale tout le long d'un fleuve asséché. Les terrasses de cultures rectangulaires, sont attachées à des canaux d'irrigation. À 17h le système se déclenche, vidant des cuves-réservoirs dans les canaux qui résonnent bientôt tous comme une rivière. Je passerai la nuit chez Maridaluz et Manuel Lima, vieux couple sympathique et souriant qui vit tranquillement dans la partie haute de la ville. J'offre une bière à mes accompagnateurs et fais connaissance avec l'épicier, un ancien marin qui parle anglais, petit bonhomme aux yeux clairs. J'en profite pour acheter de l'eau pour le lendemain et des espèces de biscuits russes affreux qui colmatent littéralement l'estomac. En fait ces biscuits seront salvateurs, mélangés avec un peu d'eau, ils peuvent arborer fièrement la qualification de biscuits bourratifs lors des longues marches.
Il louent deux petites chambres, en face de terrasses sur lesquelles sont installés un groupe de chèvres. N'ayant qu'une chambre, ils ne voient quasiment jamais passer de touristes. Après un dîner au milieu des poules, en discutant joyeusement avec Manuel, je m'en vais dormir, en les entendant réciter des prières du soir.
Les gamins du villages sont désormais convaincus que je suis un karatéka, au vu de mon pantalon bleu taillé comme tel, et s'amusent à me provoquer en duel sur la terrasse de ma chambre.

Le lendemain, après un impressionnant petit déjeuner à base de kechupa, cette lentille-haricot compacte, je pars en pleine forme, en passant cette fois à l'épicerie pour acheter quelques gâteaux secs compactés. Puis je reprends la route, en passant devant l'école, je trouble un peu quelques élèves distraits, puis retrouve le chemin le long des cannes-à-sucres. Tout le monde est déjà au travail, Manuel Lima était déjà sur les terrasses lorsque j'ai pris la route et me salue de l'autre versant pour mon départ.

La montée sur les crêtes me rapproche un peu de l'océan et je suis bien content de retrouver l'étendue bleue, d'autant que la température me paraît de plus en plus élevée. Après une grande montée et plusieurs longs virages, je retombe sur un sentier côtier.
Au loin j'aperçois des formes, et derrière moi des hommes mènent des mules. J'attends à me faire rattraper rapidement, puis je suis le groupe, un groupe d'une dizaine de mules et trois jeunes qui les rabattent et les mènent. Un petit gamin est là aussi, pieds nus, et qui court à l'arrière. Il finira par monter sur une mule, le métier est fatiguant. Le chemin débouche sur un autre de ces canyons, Cova Branca et quelques maisons et champs de patates. Ici la végétation est plus rare, et je constate que le village est coupé en deux par un impressionnant canyon. Ne voyant aucun chemin qui en relie les deux parties, je demande à mes compagnons comment fait-on pour relier l'autre côté. Ils me sourient et me demandent de les suivre. Cela me fait penser à une légende où les deux côtés d'une ville ont été séparés par un gouffre lors d'un tremblement de terre, j'imaginais le voyage nécessaire pour aller visiter ces voisins...

Sur la route de Ribeira Da Cruz. À droite, mon (très) lourd équipement de randonnée...

La petite piste suit en effet le canyon pendant un long moment, jusqu'atteindre le bord de la falaise. Là le chemin plonge et fait une dizaine de lacets serrés. Je me demande comment ce chemin a-t-il bien pu être creusé, je glisse d'un mètre à chaque pas, la pente est impressionnante et le balcon qui domine l'océan. Le même type de chemin permettait de remonter de l'autre côté. Je demandais si il était possible d'acheter quelque chose à manger au village, mais d'après mes compagnons, il n'y avait rien du tout. Je voyais avec inquiétude la suite du chemin, qui montait de plus belle sur le versant de montagne. La montée fut difficile, je partageais mon eau avec les muletiers, et on atteignit bientôt la fin du chemin et le début d'une piste qui était en train d'être taillé dans la falaise. Les ouvriers suspendus cassaient la pierre, en nous saluant. La piste ensuite était plus ou moins plane mais beaucoup moins difficile. Je me suis arrêté pour discuter et demander un peu d'eau sur le seuil d'une grande maison au bord de la piste. L'étape suivante sera Riveira-da-Cruz, à laquelle j'arrive en milieu de journée. Le temps de causer un peu avec l'instituteur qui a fini son cours, je continue jusqu'à l'épicerie pour manger un peu puis on m'a dit que ceux qui pouvaient me loger se trouvaient un peu plus loin. Je me retrouve dans une autre épicerie, accueilli par une Cap-Verdienne aux yeux bleus incroyables, elle m'informe que malheureusement, elle repart avec son mari à Porto Novo. Je rencontre son mari, un gars au mêmes yeux (ils se sont trouvés ces deux là !) qui m'invite à venir avec eux, mais ils ne partent que vers dix-sept heures. Je passe quelques heures avec le mari, qui me fait visiter son domaine, je m'amuse à lui donner les traductions des différents noms de légumes en français, il me montre l'ingénieux système d'irrigation, les bananiers, sourcille quand je lui dis que chez moi, il fait en ce moment deux degrés et pour me consoler, m'offre une juteuse papaye de son jardin. Il cueille une grosse carotte, qu'il offre à sa petite fille.
À cinq heures nous prenons la route, avec un instituteur, quelques bagages pour Porto Novo. En route, on embarque quelques autres voyageurs, des écoliers, les poules et sacs de patates habituels pour rejoindre Porto Novo en soirée.

La lave déchiquetée donne à la côte un aspect étonnant, qui contraste avec l'océan bleu clair.

J'y passe deux jours. Cette ville me plait, son côté champignon, son marché où je m'achète des bananes et des goyaves, le snack-bar au port où je sympathise avec Joao et le propriétaire. On peut y manger du poisson pour moins d'un euro, j'en profite et me régale. Je visite aussi les environs arides de la ville champignon, trouve une jolie plage à environ une demi-heure qui me permettront d'envisager quelques sympathiques baignades. Je rencontre un sympathique français qui fait de la coopération par ici, et quelques rares touristes avec qui on échange des bons tuyaux.

J'envisage sur leur conseil de rejoindre la vallée de Paùl, puis rejoindre Porto Novo par la côte. Le pari m'a l'air difficile, mais pourquoi pas.

Je me rends au port puis reprends un aluguer le matin pour Cova de Paùl, la cuvette volcanique que j'avais vu de l'aluguer la première fois que j'ai traversé l'île. Le taxi me laisse en chemin à l'ouest de la cuvette. Je marche tranquillement sous des arbres, en admirant le patchwork des cultures au creux de la cuvette. Arrivé au bout, et ne voyant pas de chemin, j'interpelle un couple de français, de fameux crêpologues bretons, puis un habitant, qui me montrent un petit bout de chemin qui remonte dans la montagne.

Descente de Cova sur Paùl, plongée dans les nuages.

Je papote un peu en marchant avec les deux français. La longue descente vers la vallée de Paùl sous les nuages, est impressionnante. Les enfants avec sacs d'école m'offrent des petites fleurs, quelques ouvriers discutent longuement avec moi, et sont étonnés que je comprenne un peu le crioulo. En fait j'acquiesce beaucoup, et comprends beaucoup moins. Je comprends en revanche bien leur humour, et m'arrête toutes les trois minutes au milieu des canna pour papoter un peu avec des groupes. J'ai quand même regretté de ne pas avoir photographié ce petit vieux, qui prenait du bon temps sous un arbre à fleur, mais le souvenir de cette scène paradisiaque m'a interdit de casser le charme en sortant un appareil.

Dans cette descente je découvre peu à peu une vallée luxuriante, avec des multiples plantations de canne à sucre et bananiers. Les maisons sont plus traditionnelles avec des toits de paille.

Les petites maisons des îles, dans les cannes à sucre, ont quelque chose du paradis

Les femmes plaisantent sur moi lorsque je les croise, l'ambiance est extraordinaire. J'arrive à un premier village, où je fais connaissance de Sandro, un français du Lavandoux qui s'est installé dans le village. Les deux autres français croisés plus haut nous rejoignent. Sandro nous explique la fabrication du rhum, son projet de torréfaction artisanale, et de fabrication de rhum local de qualité. Très attachant, je ne peux malheureusement rien lui acheter, car mon budget est plutôt limité et surtout je n'ai plus de place dans mon petit sac de vingt cinq litres il me raconte être tombé amoureux de cet endroit après avoir été passé aux Antilles, en Amérique du sud, et au Viêt-Nam. Il nous explique aussi comment il est tombé amoureux de cet endroit après sa rencontre avec un des villageois, et comment il essaie de contribuer à développer un peu d'artisanat. Je reprends ma route en lui souhaitant bonne continuation. Les deux français repartent avec moi, avec un bonne bouteille de rhum et une chouette petite voiture en boîte d'allumette emballée dans une boîte de conserve. Ce que fait ce gars-là est bien et j'espère repasser par là lors d'un prochain voyage.
J'ai une grosse envie de bananes, à voir toutes ces cultures, et je m'arrête à chaque "merceria" pour demander des "frutas". Sans beaucoup de succès, tout est exporté... Je recroise les deux français qui s'arrêtent ici et continueront en aluguer. Encore une bonne heure le long de la route et des plantations luxuriantes, en discutant un peu avec Yousouf, un immigré Gambien qui me raconte comment il est venu pour chercher du travail sur les îles.
Je le reverrai par hasard plusieurs jours après sur le ferry vers Sao Vicente.

Nos routes se séparent à nouveau, j'atteins en milieu d'après midi Riveira de Paùl, la ville côtière.

Ribeira de Paùl, porte de la vallée luxuriante de Paùl

J'arrive en fait au milieu d'une cérémonie d'enterrement, toute la ville marche en procession derrière le cercueil porté sur la route du cimetière. Je marche un peu le long de la grande route, mais me retrouve vite sur la plage. Apparemment, j'ai loupé le début de la route cotière, que je commence à voir surplomber la plage. Après quelques pas sur la plage, j'aperçois des petits enclos et m'enquiert auprès de deux jeunes qui y travaillent, fourche à la main, d'un petit chemin qui me ramènerait sur la route. Ceux-ci m'invitent à les rejoindre, puis remonter le long de la pente par un petit sentier.
C'est vrai, j'aurais peut être dû me douter que dans les enclos il y avait des cochons qui pataugeaient dans la fange, mais ce fût une excellente façon d'entraîner mes sphinctères gastriques, déjà bien éprouvés par les gâteaux russes.
En tous cas les deux garçons qui travaillaient là avaient bien du courage, et peut être pas le choix pour supporter ça.

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